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"Il se passe quelque chose" pour les enfants autistes en salle Snoezelen

Une éducatrice révèle comment un espace sensoriel adapté peut favoriser des interactions uniques avec les enfants TSA.

Simon Loubris
Simon Loubris
10 min de lecture
Un enfant dans une salle sensorielle
Crédit Photo : AndreaObzerova sur GettyImages Pro via Canva

Au sommaire :

Snoezelen : un entretien pour pousser les portes de ces espaces sensoriels uniques.
🧰 Boîte à outils : sensibiliser à l'autisme en classe ou auprès de jeunes.
👁️ Vu ailleurs : enquête sur les dysfonctionnements des MDPH.
🌞 Belle histoire : un jeune autiste lance un groupe d'entraide mutuelle dans les Landes.
▶️ Spectre visible : Le documentaire « En Equilibre(s) », condensé d’humanité.
👨‍👩‍👧‍👦 Aidants : un temps d'écoute pour les aidants de 13 à 25 ans.
💼 Recherche de profils neuroatypiques : employés de bureau, de cafétaria, et agents d'accueil en entreprise.

Cette lettre est aussi un peu la vôtre. Si vous voulez réagir à l'un des sujets ou proposer une idée, vous pouvez laisser un 💬 commentaire ou ✍️ m'écrire. Je réponds toujours (parfois avec un peu de délai 😭).


✨ "J’ai vécu de jolies choses dans cet espace. Pas forcément de grands exploits mais des échanges de regards, des petites mains qui découvrent".

Imaginez un espace où les sens s'éveillent et les barrières s'effacent. C'est le monde Snoezelen que Christelle Mallet a créé pour des enfants autistes, à Saint-Laurent du Var, d’abord en crèche, et aujourd’hui à La maison de la Famille.

Des échanges de regard, des rires qui éclatent, des sensations qui s’extériorisent pleinement... Christelle, éducatrice de jeunes enfants désormais référente de l’accueil spécifique au pôle petite enfance de sa ville, nous ouvre dans cette interview les portes de ces espaces sensoriels uniques -d’abord bricolés dans un bureau- où l'exploration est reine et les interdits bannis.

Dans quelles circonstances avez-vous fait connaissance avec l’autisme ?

Cela remonte à une quinzaine d’années, alors que j’étais auxiliaire de puériculture en crèche. Après deux mois d’accueil, Aaron*, l’un des enfants que nous accueillions ne voulait plus venir. Il était en souffrance.

Nous avions auparavant noté des comportements inhabituels - pas d’interactions avec ses pairs, pas de langage oral - mais à l’époque, il y avait peu de sensibilisation des professionnels aux troubles du spectre de l’autisme. On parlait d’ailleurs de TED (NDLR :Troubles Envahissant du Développement, l’une des précédentes dénominations médicales de l’autisme, remplacé en 2013 par le terme Troubles du Spectre de l’Autisme).

Nous avons demandé à rencontrer les parents, d’abord pour leur demander si quelque chose avait changé dans son environnement. Et puis nous avons demandé de l’aide, en organisant un rendez-vous à 4 avec une psychologue du CAMSP Centre d’Action Mécico-Sociale Précoce.

Les parents étaient démunis, et ce rendez-vous a été très bénéfique pour eux, car la psychologue a pu mettre des mots sur les difficultés de leur enfant et sur celles qu’ils rencontraient. Elle nous a expliqué qu’il était probable qu’un événement, pas forcément significatif pour nous, avait probablement rendu la crèche aversive pour Aaron, associant le lieu à une expérience négative.

Sur ses conseils, nous avons repensé son ’accueil, retravaillé sur une nouvelle phase d'adaptation, organisé son arrivée chaque matin en décalé, sur des temps plus calmes, défini une référente unique : moi, en l’occurrence !

Et il est redevenu plus apaisé à la crèche. C’était un vrai travail d’équipe, une collaboration entre les parents, le médical et nous. Par la suite, j’ai accueilli et accompagné 4 autres enfants neuroatypiques, avant de prendre d’autres fonctions.

Comment vous est venu l’idée de mettre en place un espace Snoezelen dans votre structure ?

C’est parti de Wissam* dont nous préparions l’entrée à l’école. Il avait des difficultés à rester assis sur sa chaise, à donner du sens à ce que l’on attendait de lui. Sa maman était inquiète du regard des autres face à cette échéance et nous a demandé de l’aide.

J’avais un bureau, dans la crèche, en tant que coordinatrice de l’accueil des enfants à besoins spécifiques. Nous voulions prolonger le travail fait en hôpital de jour, notamment au niveau de la structuration de l’espace. J’ai réalisé un premier aménagement de cette petite salle, avec une table, identifiée pour le travail. Dans ce lieu, il y avait aussi du matériel sensoriel à disposition. Et j’ai senti qu’il se passait quelque chose avec lui dans cet endroit.

J’ai ensuite assisté à une conférence sur les espaces Snoezelen lors d’un salon sur la petite enfance. On a alors enrichi cette salle petit à petit, en achetant des tapis, une sphère lumineuse, des jeux et jouets sensoriels, en fixant des couvertures aux fenêtres pour réduire la luminosité…

Vous dites qu' “il se passe quelque chose” ? Qu’est-ce que cette salle suscite chez les enfants ?

J’ai vécu de jolies choses dans cet espace, des moments de rencontre, de partage. Pas forcément de grands exploits mais des échanges de regards, des petites mains qui découvrent, touchent, manipulent. Des rires, des sourires, des moments de tendresse, tout cela dans un espace enveloppant, sécurisant.

Je me souviens de cette petite fille file, Eléa*. Nous avions une sorte d’igloo, et je la faisais rouler du sommet de l’igloo jusqu’au tapis. Elle partait en fou rire, elle profitait pleinement du moment, elle pouvait laisser s’exprimer pleinement ses sensations. Ça lui procurait du bien-être. Ce sont des choses que je n’observais pas avec elle sur le collectif. Pour une autre petite fille, Lalou*, on la sentait plus apaisée, souriante, après ces séances.

La disponibilité, la posture bienveillante et contenante de l’adulte sont aussi très importantes. C’est un moment privilégié, de disponibilité. Une invitation à la relation. Il ne faut pas avoir d’attente et pas d’interdit. L’enfant doit pouvoir toucher à tout. On peut montrer de l’intérêt pour un objet, le manipuler, susciter la curiosité de la part de l’enfant, mais cela devient très différent si l’on place l’objet devant lui. Cela induit que nous attendons de lui qu’il s’en saisisse.

S’il n’y a pas d’intérêt, ou s’il ne se passe rien pendant la séance, on recommencera plus tard, avec d’autres propositions. Il n’y a que des invitations, et certaines d’entre elles ne sont pas toujours acceptées. Ce n’est pas un endroit où l’on mettrait un enfant en crise, pour qu’il se calme par exemple.

Ces salles doivent rester un espace d’exploration. Le sensoriel, c’est notre façon de percevoir le réel. C’est un autre niveau de compréhension, d’accès au monde. Ces salles contribuent à l’éveil des sens, à donner l’envie à ces enfants d’être curieux du monde qui les entoure.

Comment on introduit un enfant autiste dans ce type d’espace, eux qui peuvent être anxieux face à un nouvel environnement ?

C’est une invitation : on l’invite à rentrer. On peut laisser la porte ouverte. S’il n’a pas envie, on réessaye plus tard. Il faut qu’il rentre de lui-même dans cet espace. On est dans cette approche de l’exploration libre.

L’espace doit d’abord être éclairé. Une fois que l’enfant a pris ses marques, on éteint progressivement les lumières… Si cela suscite de l’anxiété, on rallume progressivement. Il faut rester attentif au comportement de l’enfant, à ce qu’il exprime avec son corps, son comportement. L’enfant a une plus grande expérience du langage corporel que du langage avec les mots.

Le parent, ou l’adulte, prend le temps de s’installer et de se détendre afin de pouvoir accueillir l’enfant et d’être dans le prendre soin. Il peut manipuler, mais on laisse l’enfant explorer librement. 

Les stimulations sensorielles ne doivent pas être trop importantes, cela risque de créer une surcharge. Il faut éviter d’avoir trop d’objets en même temps.

En fin de séance, on fait participer l’enfant au rangement : l’espace redevient comme il était à l’origine. C’est rassurant pour les enfants TSA.

Est-ce qu’il y a du matériel qui est plébiscité ? Quel conseil donneriez-vous à un parent qui veut aménager ce type d’espace à la maison ?

C’est assez varié. Les fibres optiques par exemple, peuvent attirer le regard, sans forcément qu’il y ait une interaction. Pour d’autres, il y aura des manipulations.

Chacun explore les objets de façon différente. Pour les parents, c’est important, d’observer suffisamment l’enfant en amont et de voir ce qu’il apprécie. Il faut être vigilant aussi pour les fratries, dans la façon de partager l’espace, l’exploration peut être visuelle pour l’un et dans la manipulation pour l’autre… Parfois, les enfants ont les mêmes préférences, d’où la nécessité d’avoir les objets en double.

Pour le matériel, il y a plein de choses que l’on peut fabriquer soi-même : des bouteilles sensorielles par exemple… Il faut être inventif : l’environnement naturel offre de nombreuses possibilités. On trouve de très jolies choses dans les catalogues, mais ce qui compte, c’est la portée sur le plan sensoriel : en termes de toucher par exemple, on peut créer la même sensation qu’un tapis rugueux avec une éponge grattante. Evidemment, en collectivité, on n’a pas tout à fait les mêmes libertés !

* : tous les prénoms ont été modifiés.


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