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Les prises en charge pour l'autismeQuel accompagnement ?Langage et communication

🗣️ " Le boulot d'orthophoniste, c'est super large ! "

Comment l'orthophonie dépasse largement le travail sur la parole : Émilie Le Gall dévoile la richesse de son métier auprès des enfants autistes.

Simon Loubris
Simon Loubris
11 min de lecture
Emilie Le Gall - Orthophoniste spécialisée dans le champ des TSA. @lesfaceties_demilie
Orthophoniste et influenceuse sous le pseudo @lesfaceties_demilie : voici Émilie Le Gall, que je remercie pour cet entretien et le droit d'utiliser cette photo !

Au sommaire :

🗣️ Orthophonie : quelle indication dans la prise en charge de l'autisme ? Premier volet de notre entretien avec Emilie Le Gall, orthophoniste "funky".
🧰 Boîte à outils : une web-série dédiée aux habiletés sociales pour les enfants en âge scolaire.
👁️ Vu ailleurs : la checklist de l'intéroception.
🌞 Belle histoire : sublimer la différence par l'art.
▶️ Spectre visible : Documentaire x Diagnostic x Urbex = "Le petit chasseur de fantômes".
👩‍🎓 Formation : Comprendre et prévenir les troubles du comportement.

Cette lettre est aussi un peu la vôtre. Si vous voulez réagir à l'un des sujets ou proposer une idée, vous pouvez laisser un 💬 commentaire 💬 ou ✍️ m'écrire ✍️. Je réponds toujours (parfois avec un peu de délai 😭).


🗣️ "Il y a encore des orthophonistes un peu old school, mais on peut rendre ça plus funky."

Il y a des gestes qui parlent et des sourires qui en disent long... Bienvenue dans l'univers fascinant d'Émilie Le Gall, orthophoniste passionnée et créatrice des "Facéties d'Émilie" . Depuis plus de 15 ans, cette spécialiste de la communication déploie son expertise auprès d'enfants autistes, transformant chaque séance en une aventure ludique et enrichissante.

De son cabinet à la toile (sur Instagram donc, mais aussi Facebook ou Oseo Formation ), Émilie partage avec enthousiasme ses astuces et son matériel pédagogique, tissant des liens précieux entre professionnels, parents et enfants. Aujourd'hui, elle nous ouvre les portes de son monde, où les mots prennent vie et où chaque progrès, aussi infime soit-il, est célébré comme une victoire.

Son interview était si riche que nous avons choisi de la partager en deux parties : cette semaine, on parle d'abord de son parcours professionnel et de sa vision de la prise en charge en orthophonie pour les enfants autistes. Dans une prochaine édition, elle partage ses conseils pratiques pour choisir un orthophoniste et construire un véritable partenariat parents-professionnels.

💡
Pas le temps de tout lire ? Voici les points clés de l'interview :

- Émilie a découvert l'autisme lors d'un stage en école maternelle, une rencontre qui l'a fascinée au point d'orienter toute sa carrière d'orthophoniste vers ce domaine.

- L'orthophonie va bien au-delà du langage : elle travaille la communication sous toutes ses formes (orale, écrite, non verbale) et accompagne aussi les enfants autistes verbaux dans leurs difficultés d'apprentissage et d'habiletés sociales.

- Les troubles de l'oralité, fréquemment associés à l'autisme, sont liés aux difficultés d'intégration sensorielle et peuvent être travaillés par des orthophonistes spécialisés.

- Les pratiques en orthophonie ont considérablement évolué, passant d'approches rigides à des méthodes ludiques qui s'appuient sur les intérêts de l'enfant, car tous les enfants, autistes ou non, apprennent mieux par le jeu.

- La communication alternative et augmentée reste encore sous-utilisée en France comparée aux pays anglo-saxons, malgré son importance fondamentale pour les enfants autistes non-verbaux.

De la découverte à la passion : le parcours d'Émilie dans l'autisme

Simon : Comment as-tu fait connaissance avec l'autisme ?

Émilie Le Gall : Je suis rentrée en école d'orthophonie en 2002, avec un stage dans une école maternelle. Il y avait un petit garçon non oralisant, qui était tout à fait particulier. J'ai fait un rapport de stage sur cet enfant, et c'est là que j'ai découvert qu'il était autiste. Ça m'a fascinée. À partir de là, je n'ai plus jamais lâché : mon mémoire et mes quatre ans d'études ont été tournés vers l'autisme.

La sensibilisation au TSA est intégrée à l’école d’orthophonie ?

Non. La formation est généraliste. On travaille des bébés aux personnes âgées, mais dans la profession, on est nombreux à penser qu'on peut ne pas être très compétent sur tout. Petit à petit, avec des formations en continu, chacun se spécialise sur le domaine avec lequel il accroche le plus.

Après mon diplôme et un passage de 3 ans en pédopsychiatrie, j'ai ouvert mon cabinet où je recevais tous types de patients. Mais très rapidement, j'ai bifurqué. On m'a envoyé de plus en plus de patients avec des handicaps. Petit à petit, le bouche-à-oreille a fait qu'aujourd'hui, je ne reçois que ces enfants-là.

Ça a l'air très large, le boulot d'une orthophoniste… Cela consiste en quoi, principalement ?

Oui, c'est super large en fait. On travaille sur la communication qu'elle soit orale, écrite ou non verbale, ainsi que sur les apprentissages et les fonctions cognitives. Par exemple, dans la maladie d'Alzheimer, les capacités cognitives baissent. Dans les troubles du raisonnement, il peut y avoir des difficultés des fonctions exécutives. 

Il y a aussi de nombreux orthophonistes qui travaillent les troubles d'apprentissage scolaire, mais je considère que ce n'est pas censé être le cœur de notre métier. Je vais dire quelque chose qui ne plaît pas trop, mais notre Éducation nationale ne va pas très bien, et on a des enfants qui n'apprennent pas très bien à lire et à écrire. Ça remplit un peu les cabinets avec des enfants qui ne devraient pas nécessairement être là.

Au-delà des mots : quand l'orthophonie embrasse toutes les formes de communication

C'est donc ce travail sur la communication qui est le cœur de l'indication de l'orthophonie pour les enfants autistes ?

Oui, généralement, c'est un des premiers signes d'appel pour les parents : l'enfant ne parle pas. Les parents consultent un généraliste ou un pédiatre. S'il y a des signes flagrants d'autisme, ils renvoient vers un centre de diagnostic. 

Sinon, le médecin renvoie très vite chez l'orthophoniste, d'autant qu'on est la seule profession paramédicale remboursée par la Sécurité sociale dans le cadre de l'autisme. Il y a une réalité financière qui fait qu'on est "gratuit", donc c'est plus facile de nous adresser des patients.

Ça change un peu avec les plateformes de coordination qui permettent un suivi pluridisciplinaire pris en charge. Mais il faut monter un dossier, ça prend du temps. Nous, on est censé être plus accessible, mais avec les listes d'attente, ce n'est pas toujours le cas.

On est d'accord que l'orthophonie, ce n'est pas que pour les enfants qui ne parlent pas ?

Non, bien au contraire ! Il y a eu des médecins qui disaient "On ne va pas aller chez l'orthophoniste, parce qu'il ne parle pas". Ça, c'est n'importe quoi. Évidemment qu'un enfant non-oralisant doit aller chez l'orthophoniste ! Mais on reçoit aussi beaucoup d'enfants scolarisés en milieu ordinaire avec Accompagnant d'Élèves en Situation de Handicap (AESH), qui ont des difficultés d'apprentissage, par exemple pour apprendre à écrire. On va soutenir les apprentissages, on va soutenir l'équipe scolaire pour aider à trouver des aménagements.

Je reçois même des adultes autistes qui ont des demandes précises sur tel ou tel domaine de la communication.

On parle beaucoup de troubles de l'oralité, associés à l'autisme. C'est une comorbidité ?

Oui, c'est tout ce qui touche aux difficultés à mettre des choses dans la bouche ou à bouger sa langue qui font que l'enfant ne va pas pouvoir manger certaines choses parce que, vraiment, que ce soit l'odeur ou la température, ça va lui poser un problème. C'est en lien avec les difficultés d'intégration sensorielle. Ce sont leurs sens qui fonctionnent différemment des nôtres, il n'y a pas forcément de filtres, et ça va rendre tout ce qui touche à leur bouche difficile.

Et c'est quelque chose que l'orthophonie permet d'améliorer ?

Moi, je ne le travaille pas, mais j'ai une collègue au cabinet qui ne fait que ça. C'est une autre dimension de l'orthophonie. C'est hyper compliqué au quotidien. Nous, on a des enfants qui ont 6 ans et qui ne boivent que des biberons de lait maternisé. 

Quand on arrive à les amener à manger, ne serait-ce que des chips ou des pâtes, c'est quelque chose de gagné pour les parents. Mais c'est un domaine bien particulier, en orthophonie, ou chez certains ergothérapeutes.

Vers une orthophonie plus ludique

Dans mes souvenirs de jeunesse, les séances d'orthophonie évoquaient plutôt la torture... Sur ton compte Instagram, on voit au contraire que tu utilises beaucoup le jeu. Ça a changé, l'orthophonie, depuis les années 90 ?

Oui, ça a quand même évolué. Effectivement, il y avait des petits bâtons qu'on mettait dans la bouche. Je crois que ça n'existe plus vraiment. On a d'autres méthodes maintenant, moins invasives, comme Talk Tools. J'ai une collègue qui utilise des choses à mettre dans la bouche, mais c'est beaucoup plus ludique : du Nutella, des glaçons, des trucs plus sympas !

Notre champ d'action s'est beaucoup élargi. On n'est plus sur l'orthophonie de papa avec le papier, le crayon et des outils pas très drôles. Il y a encore des orthophonistes un peu old school, mais on peut rendre ça plus funky.

Passer par le jeu, c'est impératif avec les enfants autistes ?

Oui, si on veut réussir à faire des trucs avec un enfant autiste, il faut au minimum lui donner envie, un peu plus que pour les autres. 

Mais globalement, on sait aujourd'hui que les enfants, TSA ou non, apprennent par le jeu. Un enfant a besoin de manipuler, d'explorer, de bouger, de ressentir les choses dans son corps. Moins de s'asseoir et de faire des fiches.

Justement, pourquoi entend-on si peu parler de communication alternative et augmentée (CAA), au-delà des classeurs PECS, alors que cela semble être l’un des fondements d’une prise en charge en orthophonie ?

Parce qu'on a encore beaucoup de retard par rapport à d'autres pays, notamment anglo-saxons. Il y avait quand même un gros bastion psychanalytique en France, qui a eu du mal à bouger. Les choses ont commencé à évoluer au tournant des années 2010 avec l'introduction du PECS en France, qui n’était pas utilisé avant [NDLR : en orthophonie et dans les établissements].

Entre 2010 et 2015, il y a eu le déploiement du PECS. Dans les autres pays, ils se sont rendus compte que le PECS n'était pas suffisant : le PODD s'est développé, puis les applications numériques... Nous, on est resté coincé au PECS : "On a fait un gros effort, vous n'allez pas nous demander maintenant de tout changer". On commence seulement à sentir un mouvement sur la CAA depuis trois-quatre ans, et encore. Il faut que la nouvelle génération d'orthophonistes y soit formée.


🧰 Boîte à outils "Habiletés sociales"


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