Quelles sont les causes de l'autisme ?
Que dit la science des origines des troubles du spectre de l'autisme ? Retour sur certains mythes et sur les découvertes récentes des chercheurs sur les TSA.
Table des matières
“Il est temps d'abandonner l'idée qu'il existe une seule explication de l'autisme” écrivait la chercheuse Francesca Happé en 2006. Si les causes du Trouble du Spectre de l'Autisme (TSA) sont multiples, les scientifiques s'accordent sur l'importance centrale des facteurs génétiques.
Comment l'autisme se développe-t-il dans le cerveau ?
Contrairement à certaines maladies dont on peut décrire précisément le mécanisme (comme l'action du virus de la rage sur l'organisme), l'autisme se révèle très complexe à comprendre dans ses mécanismes biologiques.
Cette complexité s'explique notamment par l'extraordinaire diversité des manifestations de l'autisme, ce qui a conduit les chercheurs et les médecins à parler de "spectre de l'autisme" ou d' "autismeS". Chaque personne autiste présente en effet une combinaison unique de facteurs génétiques et environnementaux, générant une expression singulière du trouble (tout en conservant des caractéristiques communes).
Si les scientifiques ont identifié de nombreux facteurs causaux, les interactions précises entre ces facteurs et leur influence sur le développement du cerveau restent encore à élucider.
L'imagerie médicale a permis de mieux comprendre les particularités cérébrales chez les personnes autistes. Elle a révélé que l'organisation de certains réseaux cérébraux, notamment ceux liés à la communication sociale et à l'adaptation au changement, est différente chez ces individus autistes. Ces découvertes offrent des pistes pour expliquer certaines caractéristiques comportementales associées aux TSA.
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La biologie moléculaire a permis de comprendre comment certains gènes influencent le développement cérébral. Ces gènes jouent un rôle clé dans des processus essentiels comme la formation du système nerveux, les connexions entre les synapses et la production de substances chimiques indispensables au bon fonctionnement du cerveau. Ces découvertes permettent de mieux comprendre les bases biologiques des troubles.
Si l'imagerie médicale et la biologie moléculaire nous aident à comprendre comment les TSA se manifestent dans le cerveau, la révolution des recherches génétiques ont permis de révéler pourquoi il apparaît.
La cause de l'autisme est-elle génétique ?
Oui : les recherches ont permis de déterminer que la génétique est déterminante dans l’apparition de l’autisme. C’est ce qu’on appelle l’héritabilité, la mesure, exprimée en pourcentage, qui indique quelle part des différences observées entre les personnes (dans notre cas, le fait d'être autiste ou non) est due aux différences génétiques entre les individus.
Dans le cas des troubles du spectre de l'autisme, les études scientifiques montrent que cette héritabilité est très importante, estimée entre 50% et 95% selon les études. Pour Thomas Bourgeron, un généticien en pointe sur l’autisme, auteur du livre “Des gènes, des synapses, des autismes” en 2023, les gènes sont responsables à 80% du risque de développer un autisme.
Ne prédit pas si une personne sera autiste ou non. Le cas des vrais jumeaux est exemplaire : le vrai jumeau d’un enfant TSA n’est pas systématiquement atteint de ce trouble malgré la présence de gènes identiques chez les deux enfants (mais c’est le cas 9 fois sur 10, ce qui a été l’une des premières pistes d’explication des causes génétiques de l’autisme par la recherche. Chez les faux jumeaux, c'est près de 4 fois le cas sur 10).
Ne signifie pas que tous les facteurs génétiques sont hérités des parents. Certaines mutations génétiques apparaissent “de novo”, c’est à dire qu’elles ne sont pas présentes dans l’ADN du père ou de la mère.
Est-ce qu'il existe un gène ou des gènes de l'autisme ?
C'est seulement dans les années 2000 que la communauté scientifique a commencé à identifier les premiers gènes liés au TSA. La biologie moléculaire a depuis permis d'identifier deux situations distinctes :
- Dans certains cas, une seule mutation génétique suffit à provoquer un TSA (on parle d'autisme "monogénique"). Cette mutation peut être héritée des parents ou apparaître spontanément chez leur enfant. Selon Thomas Bourgeron, plus de 200 gènes ont été formellement identifiés comme pouvant, à eux seuls, entraîner un autisme, souvent accompagné d'une déficience intellectuelle.
- Dans d'autres cas, c'est la combinaison de plusieurs variations génétiques qui augmente la probabilité de développer un autisme alors dit "polygénique". De façon plus large, on estime qu'environ 1 700 gènes sont impliqués dans le neurodéveloppement, et de nouveaux gènes sont régulièrement découverts.
Les chercheurs ont également constaté qu'une part importante de ces variations génétiques n'est pas spécifique à l'autisme : on les retrouve aussi dans d'autres conditions de santé comme les troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) ou la déficience intellectuelle.
Si la génétique joue un rôle majeur dans l'autisme, certains facteurs environnementaux ont également été clairement identifiés des facteurs de risque de TSA.
Quel est le poids des facteurs environnementaux dans l'apparition de l’autisme
Deux causes "environnementales" de TSA ont été solidement établies par des études scientifiques à grande échelle.
L'exposition au valproate de sodium pendant la grossesse
L' acide valproïque (ou son dérivé, le valproate de sodium) est un traitement antiépileptique commercialisé notamment sous le nom de Dépakine. Cette étude a montré que les enfants exposés à ce type de médicaments pendant la grossesse ont 4,6 fois plus de risque de développer un trouble du spectre de l'autisme. Ce risque est particulièrement marqué lorsque l'exposition survient au-delà du premier trimestre de grossesse et augmente avec la dose du médicament pris par la mère. Il est également désormais avéré chez les enfants dont le père a été traité dans les 3 mois qui précèdent la conception.
La prématurité
Le deuxième facteur de risque clairement identifié est la prématurité. Une vaste étude suédoise publiée en 2021 et portant sur plus de 4 millions de personnes a démontré que plus la naissance est prématurée, plus le risque de développer un TSA est élevé. Ainsi, environ 6% des enfants nés entre la 22ème et la 27ème semaine de grossesse développent un TSA, contre 1,4% des enfants nés à terme. Ce risque diminue progressivement avec l'âge gestationnel : 2,6% pour les naissances entre la 28ème et la 33ème semaine, et 1,9% entre la 34ème et la 36ème semaine.
Les autres facteurs environnementaux : beaucoup d'incertitudes
Les chercheurs explorent plusieurs pistes pour identifier d'autres facteurs environnementaux potentiellement impliqués dans le développement de l'autisme, sans certitudes scientifiques pour l'instant.
Parmi elles, l'exposition pendant la grossesse à certains polluants atmosphériques, aux perturbateurs endocriniens, ou encore aux pesticides. L'impact des antidépresseurs pendant la grossesse, tout comme le rôle potentiel de certaines carences nutritionnelles, du stress maternel ou de l'âge des parents, sont également scrutés comme facteurs de risque.
Toutefois, pour Thomas Bourgeron, “le rôle des polluants sur l'augmentation de la fréquence de l'autisme n'est pas tranché, mais si ce dernier existe, il est très faible." Pour mieux comprendre l'influence de ces facteurs environnementaux, particulièrement durant les 1000 premiers jours de vie, la cohorte Marianne, mise en place en 2023, suivra 1700 familles pendant dix ans.
Ce qui ne cause pas l'autisme : les certitudes.
Si la recherche a permis d'identifier certaines causes de l'autisme, elle a aussi permis d'écarter définitivement plusieurs théories qui ont longtemps circulé sur l'origine des Troubles du Spectre Autistique.
Ces théories, bien qu'invalidées scientifiquement, continuent parfois d'influencer l'opinion publique. Il est donc essentiel de faire le point sur ce qui ne cause pas l'autisme.
La carence affective des parents
La théorie selon laquelle les parents -et surtout l’attitude d'une “mère frigidaire”- seraient la cause de l’autisme de leurs enfants est totalement infondée : l’autisme est un trouble du développement du cerveau, présent dès la naissance, voire dès la grossesse.
Cette idiotie a été popularisée par Bruno Bettelheim dans “La forteresse vide” (1967) et s’appuie sur des théories psychanalytiques qui n’ont malheureusement pas fait la preuve scientifique de leur efficacité dans le cadre de l’autisme. Pourtant, en France, elles ont longtemps imprégné la prise en charge des enfants autistes et le regard des praticiens sur les parents, en les culpabilisant injustement.
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Les vaccins : le mythe du vaccin Rougeole, Oreillons, Rubéole (ROR)
Rappelons que les résultats de l’étude de 1998 qui avançait un lien entre ce vaccin et l’autisme ont été falsifiés par le “chercheur”. De nombreuses autres études, dont l’une réalisée en 2019 sur plus de 650 000 enfants danois sur plus de dix ans (soit quand même un échantillon un peu plus robuste que les 12 enfants de l’étude falsifiée), concluent invariablement de la même façon : non, le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole) n'augmente pas le risque d'autisme chez les enfants vaccinés.
L' "autisme virtuel" : une confusion dangereuse
En 2017-2018, l’autisme “virtuel”, qui serait du à une surexposition des jeunes enfants aux écrans a fait l’objet d’un vif débat médiatique entre spécialistes de la santé de l’enfant.
Le terme d’ ”autisme virtuel” induisait que l'explosion du nombre de diagnostics d’autisme avait en réalité pour cause la surexposition des enfants aux écrans, ces enfants surexposés ayant des comportements similaires à ceux des enfants autistes.
Ce qui a pu susciter deux raccourcis dans l'opinion publique - “Les écrans à haute dose génère de l’autisme” + “Des enfants diagnostiqués autistes n’ont juste qu’à moins regarder les écrans.”
Pourtant, ce que la recherche a pu démontrer comme causalité jusqu’à présent, c’est que “l’effet global d’une exposition aux écrans sur le développement cognitif est très légèrement négatif [en raison du fait] que l’exposition sur de longues durées chaque jour se substitue à des interactions sociales et verbales importantes pour le développement” lors de l'enfance. Et en aucun cas que la surexposition des enfants aux écrans provoque des troubles du spectre de l'autisme.
Un dérèglement du microbiote intestinal
Certaines recherches ont tenté de démontrer un lien entre la flore intestinale et l’autisme, avec l’espoir que si les symptômes de l’autisme étaient dus à une intolérance alimentaire ou à des anomalies du microbiote, il serait possible de les faire disparaître en modifiant l’alimentation.
Malheureusement, la plupart de ces études se basent sur des modèles animaux, et une étude de 2022 tend à démontrer que le dérèglement du microbiote des autistes est plutôt une conséquence de l’autisme, en raison d’une forte sélectivité alimentaire, plutôt que sa cause.
Pour aller plus loin sur les causes de l'autisme
Pour rédiger cet article, je me suis notamment appuyé sur ces ressources qui rentrent en détail sur les causes des troubles du spectre autistique.
- L'excellent ouvrage de Thomas Bourgeron "Des gènes, des synapses, des autismes". Après une première partie qui introduit le diagnostic d'autisme et la recherche de ses causes, la deuxième sur la génétique est un peu pointue, mais passionnante. La dernière partie du livre s'attache à l'impact de ces découvertes génétiques sur la prise en charge des personnes autistes.
Certains éléments clés du livre sur les causes génétiques des TSA sont bien détaillés dans cette interview.
- Ce très riche dossier "Comprendre l'autisme" du Journal de la recherche de l'Institut Pasteur dresse un panorama complet des TSA, et revient lui aussi notamment sur les causes des troubles du spectre autistique.
- Ce très bon dossier "Nouveaux regards sur l’autisme" du journal du CNRS est très étayé sur la recherche, les mécanismes génétiques et biologiques des troubles du spectre autistique.